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Page:Néron - Notes et impressions d'une parisienne, 1914.pdf/264

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NOTES ET IMPRESSIONS

nues, dans un appartement vaste où elle vivait seule, recluse volontaire. La légende entourait de mystère la demeure de cette ex-beauté. La vérité était plus simple. Originale, misanthrope même, la comtesse de Castiglione murait sa vie aux yeux indiscrets. Elle passait ses journées près de ses reliques à remâcher ses souvenirs, ne tolérant ni serviteurs importuns ni amis trop zélés. Quelques femmes seulement obtenaient le rare privilège de visiter la vieille dame. Elle, par un raffinement de coquetterie, ne voulant pas voir la décrépitude prendre un à un ses charmes pour les détruire, voilait les glaces de son appartement, où la lumière ne pénétrait jamais.

Qu’il était loin, le temps où ses impériales épaules révolutionnaient les gentilshommes des Tuileries, empressés à contenter ses moindres et ses plus dispendieux caprices. C’était l’époque où ses bijoux défrayaient les chroniques mondaines, où ses robes faisaient frémir d’envie les jolies femmes de la cour, où sa menue lingerie fournissait des traits piquants aux conversations de boudoir.