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Page:NRF 17.djvu/395

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fort, car je commençais à me sentir fatigué, que je le priai d’y faire obstacle (ce qu’il me promit) et pour plus de sûreté de faire, pour le premier soir, monter la garde à mon étage par ses employés. Il ne paraissait pas les aimer beaucoup. « Je suis tout le temps obligé de courir après eux parce qu’ils manquent trop d’inertie. Si je n’étais pas là ils ne bougeraient pas. Je mettrai le liftier de planton à votre porte ». Je demandai s’il était enfin « Chef des chasseurs. — Il n’est pas encore assez vieux dans la maison, me répon- dit-il. Il a des camarades plus âgés que lui, cela ferait crier. En toutes choses il faut des granulations (probablement pour graduations). ’Je reconnais qu’il a une bonne aptitude devant son ascenseur. Mais c’est encore un peu jeune pour des situations pareilles. Ça manque un peu de sérieux, ce qui est la qualité primitive (sans doute la qualité primordiale, la qualité la plus importante). Il faut qu’il ait un peu plus de plomb dans l’aile (mon interlocuteur voulait dire dans la tête). Du reste il n’a qu’a se fier à moi. Je m’y connais. Avant de prendre mes galons comme directeur du Grand Hôtel, j’ai fait mes premières armes sous M. Paillard ! » Cette comparaison m’impressionna et je remerciai le directeur d’être venu lui-même jusqu’à la gare. « Oh ! de rien. Cela ne m’a fait perdre qu’un temps infini » (pour infime). Du reste nous étions arrivés.

Dès la première nuit, comme je souffrais d’une crise de fatigue cardiaque, tâchant de dompter ma souffrance, je me baissai avec lenteur et prudence pour me déchausser. Mais à peine eus-je touché le premier bouton de ma bottine, ma poitrine s’enfla, remplie d’une présence, inconnue, divine, des sanglots me secouèrent, des larmes ruisselèrent de mes yeux. L’être qui venait à mon secours, qui me sauvait de la sécheresse de l’âme, c’était celui qui plusieurs années auparavant, dans un moment de détresse et de solitude identique, était entré quand je n’avais plus rien de moi, mais qui m’avait rendu à moi-même car il était moi et plus que moi, le contenant qui est plus que le contenu