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NOTES 465

de tout ce qui, dans la réalité, déborde les règles de la vie sociale édictées par l'homme britannique. Mais ce pragma- tisme qui le séduit, le déçoit aussi, car son intelligence carté- sienne démêle trop bien que ce triomphe de l'homme qui comporte une si grosse part d'aveuglement volontaire, reste à la fois fictif, truqué et provisoire.

S'il se plaît si souvent à raconter de « bons tours » joués à la la magistrature ou à l'administration, c'est qu'il voit dans cha- cun une victoire de l'intelliffence claire sur l'intelligence fausse OU trop schématisée.

C'est la même fantaisie, la même philosophie qui préside aux chroniques de Pierre Mille, mais dans ce domaine, il a été un véritable créateur. Le type de sa chronique n'est ni celui d'Aurélien Scholl, ni celui de Chincholle ou de Grosclaude. A l'esprit de boulevard, aux calembours et aux à peu près, il a substitué une qualité plus haute de comique ou de bur- lesque. L'on n'est jamais honteux d'avoir ri quand on a ter- miné la lecture d'une chronique de Pierre Mille. Il donne à son lecteur l'occasion exceptionnellement rare d'un « rire intel- ligent ».

Cela vient de ce qu'il applique à juger et à commenter l'au jour le jour parisien des procédés de mesure inattendus. C'est bien ce que fait aussi un La Fouchardière, mais La Fou- chardière depuis cinq ans mesure tout à la même aune ; il finit par manquer d'imprévu, après avoir été prodigieusement diver- tissant. Pierre Mille, lui, possède tout un jeu de poids et de mesures dont il use paradoxalement, pesant au kilog ce qu'on est habitué à doser au compte-gouttes, ou mesurant au litre ce qu'on a coutume de soumettre à la toise. Il tire ainsi les conséquences les plus déconcertantes des faits les plus anodins. Ses procédés les plus ordinaires sont d'en appeler à l'apprécia- tion d'un homme ou d'une femme du peuple, d'un Anglais, d'un colonial ou d'un professeur aussi logique qu'ingénu, mais il en a d'autres.

Et pour présenter ces appréciations, il a aussi innové ou, si l'on préfère, rénové l'art de l'apologue. La plupart de ses chro- niques sont bâties comme les grandes fables de La Fontaine : .exposé du thème, un ou plusieurs apologues, une ou plusieurs morales.;

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