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LE SECRET DU POLICHINELLE 75

plus au créneau des mansardes : mais l'horizon morcelé luisait partout d'une lumière qui, on le sentait bien, entourait la terre comme une ceinture ; l'air poudreux sem- blait plus dense ; et la tige des fleurs, les arbustes, le tronc des arbres rajeunissaient dans la pourpre.

— Quel beau crépuscule ! murmura la jeune femme. Victor tressaillit. Son menton se creusa, ses joues se bos-

suèrent, comme s'il avait reçu un coup de bâton sur la face.

— Qu'est-ce que tu as ? demanda la tante, tu ne dis rien, as-tu du chagrin ?

— Il est triste, rit Lucienne.

Mais elle trouva à terre une grappe de troène et trois cail- loux blancs : elle les ramassa et, s'occupant à les tàter, à les flairer, à les sucer, à s'en flatter les cheveux, les lèvres, les 5^eux, les plis délicats du cou, elle ne prit plus part à la causerie.

— Je n'ai pas de chagrin, dit Victor un peu trop bas, je m'ennuie.

La jeune femme chuchota :

— Ce n'est rien. Moi aussi, je m'ennuie quelquefois.

— Oh, Marie ! s'écria-t-il sans réfléchir, mon oncle ne t'aime donc pas ?

Elle se détourna brusquement, un ruban se défit dans ses cheveux : ce fut à son tour de pâlir. Puis elle reprit d'un ton las et rêveur :

— Alors, tu as quatorze ans aujourd'hui.

Il n'y a qu'une peine dans toute la vie, enseignait à Victor son propre cœur. Et il faut la cacher, puisque si on la montre, ils savent tous dès lors où frapper. Pour soi, pour sa tante, il s'efforça de mentir.

— Oui, ça m'ennuie d'avoir quatorze ans.

Il n'y croyait pas, mais après qu'il l'eût prononcé, il s'en trouva convaincu. Il essaya de s'expliquer maladroi- tement.

— Je voudrais en avoir quatre, ou bien vingt... Pour- quoi apprendre si lentement les choses ?

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