Aller au contenu

Page:NRF 17.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE SECRET DU POLICHINELLE 8l

— Je crois qu'elle est grise, dit sa mère.

— Alors, dit son père avec philosophie, elle tient de moi.

Une longue demi-minute, ce fut comme si l'on avait éteint une lampe. Le secret voltigea entre les fronts pareil à une chauve-souris.

Enfin, les hommes se résignèrent encore à rire.

— Quel enfant terrible vous faites ! dit M. Saintour à son beau-frère.

Victor observait sa tante un peu pâle, sa mère un peu jaune ; et très vite il comprenait, très vite, très loin, bien plus loin déjà que le vrai.

Heureusement, Lucienne commença une histoire de fées, et tous feignirent de l'écouter avec admiration.

— LTn chien dit : Hou ! expliquait-elle.

— Hou, hou ! répéta madame Saintour d'un ton ravi.

— Comédiennes ! grommela Victor.

Fis l'entendirent, tous le regardèrent avec étonnement. M. Saintour menaça d'un œil froid. Lucienne continua ; ses yeux brillaient ; entre ses lèvres fraîches luisaient ses dents; sa mère penchée et l'adorant rajeunissait.

— Pauvre petite ! chuchota Victor à sa sœur, comme ils se moquent d'elle ! Elle ne se doute pas qu'ils lui apprennent à mentir !

— Tais-toi donc ! ordonna Marceline d'une voix basse et impérieuse.

— Oh, murmura-t-il effrayé, toi aussi !

Quoi, ces traits sincères pouvaient-ils donc se falsifier sans se tordre et se rompre ?.... Elle approuvait ces vilenies^ il la méprisa incroyablement. Et tout le temps que Lucienne mit à finir, il se représenta le visage trompeur de Crépuscule à côté du visage trompeur de Marceline : et ce fut assez pour qu'il se crût désormais seul dans la vie.

— A ton tour, dit son père le réveillant. Récite-nous ta plus belle poésie, et après tu souhaiteras le bonsoir, puisque tu vas à l'école demain.

6

�� �