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104 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

liaison dans une synthèse chaque jour à refaire, parce que chaque exploration de l'espace et du temps y apporte des éléments neufs. L'œuvre de connaissance, qui importe d'abord, suppose une investigation universelle et un incessant effort de l'intelli- gence.

Constante métamorphose, c'est aussi la formule de la Neue Rundschau. Fondée sous le nom de Frète Biïhne en 1S89, alors que l'esprit « moderne » fêtait à Berlin ses premiers triomphes, elle n'a sans doute jamais précédé les changements, ni à propre ment parler créé de courants. Mais avec une remarquable sou- plesse elle a suivi dès leur formation ceux qui se dessinaient avec vigueur. Si bien qu'après trente ans, elle garde sa fraîcheur. Ailleurs on expérimente comme en un laboratoire. Ici sont accueillies les expériences qui ont déjà réussi ou qui au moins promettent de réussir. Et l'on peut considérer qu'il n'est pas mauvais qu'à côté de revues qui combattent selon un programme, il s'en trouve une pour accueillir les manifestations diverses comme en une sorte d'anthologie.

\Jn tel choix est d'autant plus précieux que l'activité d'esprit des Allemands, comme cela se passe aux époques de crise, est aujourd'hui foncièrement anarchique. A côté des courants caractéristiques de l'ère impériale, d'un déterminisme, d'un nationalisme qui persistent, qui demeurent absolus, que les cir- constances exaspèrent encore, il est une vie intérieure que la révolution a libérée, que la misère surexcite. Elle continue de croître en intensité, elle cherche à s'exprimer en termes d'une incroyable exaltation, elle déborde, incohérente, contradictoire, dans mille feuilles nouvelles souvent éphémères. Genius, Dichtung, dus Rijf, dos Tagebuch, die Bûcberkisle, s'ajoutant à die Zukunft, die Welibùhne, Scjuiistische Moncttshefte, dus literorische Echo, der Zwiebelfisch, das Inselschiff, que d'autres encore il fau- drait citer pêle-mêle, pour donner l'idée d'une « neue Gesin- nung » se faisant jour à travers le passé démoli.

Le « nouvel esprit » dont il s'agit, n'anticipons pas en essayant ici de le définir. Pourtant il faut remarquer combien l'Allemagne intellectuelle est perméable. Elle le fut toujours. Même son « organisation » d'hier ne lui avait pas entièrement ôté ce carac- tère. Il a néanmoins fallu la grande secousse pour désagréger les pierres du monument qu'elle se dressait à elle-même et qui

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