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124 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tage dangereux de Rousseau. Depuis cent cinquante ans, l'écrivain se regarde au miroir et caresse amoureusement ses faiblesses et ses défauts. Les jeunes gens demandent des certitudes, on leur offre des possibilités. S'ils regardent en arrière, ils voient Baudelaire au confessionnal du cœur ou Laforgue se novant, pauvre Narcisse, dans les étangs du sou- venir ! S'ils se tournent vers les maîtres d'aujourd'hui, Paul Valéry, le divin charmeur du Serpent, André Gide ? Hélas ! j'en connais qui sont trop faibles pour consentir à tout, pour « ne pas choisir », et ceux-là qui se refusent à la vie, la quittent parfois — si elle devient trop indiscrète — et s'en vont tran- quillement, sans laisser d'adresse.

GEORGES GABORY

��LES REVUES

PAUL VALÉRY

Le dernier numéro du Divan réunit, en hommage à Paul Valéry, des études, des souvenirs ou des poèmes de la Comtesse deNoailles, Henri de Régnier, Edmond Jaloux, Fr. ViéléGriffin, Charles du Bos, Henri Ghéon, Fr. le Grix, Lucien Fabre...

André Gide écrit :

... Ses premiers collaborateurs de la Conque et du Centaure se déso- laient de le s'oir abandonner la poésie, et s'engager dans une voie qui leur semblait ne mener qu'à des spéculations impuissantes. Mais c'était pourtant la puissance que recherchait précisément Valéry. Rien ne lui paraissait moins tentant que le succès qu'il eût facilement obtenu par une production abondante. Son apparent renoncement cachait une ambition plus haute. « L'erreur, je parie, de bien des gens à mon égard, m'écrivait-il en 93, est de me supposer, malgré tout, une arrière-pensée littéraire ; de croire que je tends, en somme, à travers les restrictions que je professe et le renoncement, à quelque genre nou- veau. » Et, en 94 : « J'ai agi toujours pour me rendre un individu potentiel. C'est-à-dire que j'ai préféré une vie stratégique à une tacti- que. Avoir à ma disposition, sans disposer... Ce qui m'a frappé le plus au monde, c'est que personne n'allait jamais jusqu'au bout. » Il n'était donc que de persévérer. Et durant vingt-cinq ans Valéry se tut, tra- vaillant sans cesse.

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