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Page:NRF 19.djvu/153

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REMARQUE SUR LES GONCOURT

��De l'écrivain qui fait école, la gloire glisse parfois en un piège dont elle a peine à se dégager. Entre son œuvre et notre regard des contrefaçons innombrables interposent une série de rideaux, et toujours davantage l'œuvre recule dans l'invisible. Par sa nature même, le talent des Gon- court les désignait pour devenir de ce jeu du sort des victimes qu'ils auraient qualifiées d'« exquises ». Tandis qu'on les lit, il n'est pas toujours facile même à ceux qui les goûtent le plus de nettoyer la mémoire des paillettes poudreuses de tant de sémillants chroniqueurs, et en par- ticulier d'un certain style « avant-propos pour catalogue d'exposition » dont le rapport aux réussites des Goncourt est à peu près celui d'un domino sur lequel ii a plu, aux taches vives d'une aquarelle de Boudin ou à quelque berge frissonnante de Stsley.

De là peut-être le vent de réaction qui dans les années antérieures • à la guerre soufflait de tous côtés contre l'œuvre des deux frères. La réaction était d'ailleurs à ce point dépourvue de nuance qu'elle apparaissait proprement inique ; fille légitime, elle, de cette inintelligence même que l'on jugeait bon de reprocher à des hommes en leurs limites entièrement originaux ; qui ont retrouvé, ressuscité l'art de tout un siècle — et de ce siècle à la seule mention duquel certains détracteurs des Goncourt se prosternent aussitôt — ; qui annexèrent le Japon à notre culture et qui ont soumis nos habitudes visuelles à des exercices d'assouplissement et de précision singulièrement profi-

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