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SILBERMANN 171

— Vois-tu, petit, la meilleure vigne est celle qui est la plus soigneusement taillée.

��II

��En classe d'anglais, je fus placé à côté de Silbermann et pus l'observera loisir. Attentif à tout ce que disait le pro- fesseur, il ne le quitta pas du regard; il resta immobile, le menton en pointe, la lèvre pendante, la physionomie tendue curieusement ; seule, la pomme d'Adam, saillant du cou maigre, bougeait par moments. Comme ce profil un peu animal était éclairé bizarrement par un rayon de soleil, il me fit penser aux lézards qui, sur la terrasse d'Aiguesbelles, à l'heure chaude, sortent d'une fente et, la tête allongée, avec un petit gonflement intermittent de la gorge, surveillent la race des humains.

Puis, une grande partie de la classe d'anglais se passant en exercices de conversation avec le professeur, Silbermann, levant vivement la main, demanda la parole à plusieurs reprises. Il s'exprimait en cette langue avec beaucoup plus de facilité qu'aucun d'entre nous. Pendant ces deux heures, nous n'échangeâmes pas un mot. Il ne fit aucune attention à moi, sauf une fois avec un regard tel que si je lui eusse inspiré de la crainte. D'ailleurs, les premiers jours, il se comporta de la sorte vis-à-vis de tous ; mais c'était sans doute par méfiance et non par timidité, car, au bout de quelque temps, on put voir qu'il avait adopté deux ou trois garçons plutôt humbles, de caractère faible, vers les- quels il allait, sitôt qu'il les avait aperçus, avec des gestes qui commandaient ; et il se mettait à discourir en maître parmi eux, le verbe haut et assuré.

En récréation il ne jouait jamais. Dédaigneux, semblait-il, de la force et de l'agilité, il passait au milieu des parties engagées sans le moindre signe d'attention ; mais si une discussion venait à s'élever, elle ne lui échappait point et

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