Aller au contenu

Page:NRF 19.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SILBERMANN l8l

eu bien tort de croire que j'agirais avec lui ainsi que Robin, car je n'avais aucun sentiment hostile contre sa race. Je lui glissai d'ailleurs que j'étais de religion protestante. J'ajoutai que toute la journée j'avais pensé à notre rencontre et que ma conscience n'oublierait pas le serment d'amitié que j'avais fait en nous séparant.

Je ne comptais pas lui donner cette lettre. Toutefois, le lendemain, au lycée, lorsqu'il accourut vers moi, débor- dant d'intentions affectueuses, j'arrachai brusquement la page de mon cahier, la pliai et la lui remis.

Je passai la récréation suivante avec Robin. A ma grande gêne, je vis Silbermann approcher de nous. Il me dit à voix très haute :

— Alors c'est entendu, je compte sur toi jeudi. Et il s'en alla.

Philippe me regarda, surpris.

— Vous sortez ensemble jeudi ? Comment le connais- tu ?

Devenu très rouge, j'expliquai que je l'avais rencontré et qu'il m'avait proposé des livres.

— Tu sais que son père, qui est un marchand d'anti- quités, est un voleur. Mon oncle Marc me l'a dit.

Cet avertissement était prononcé d'un ton sec. Je fis un geste vague. Nous parlâmes d'autre chose.

Ce qui arriva le lendemain fut comme le présage des temps troublés qui devaient suivre.

C'était le jour de la Sainte-Barbe. A cette date, les élèves qui se préparaient aux hautes écoles de sciences organisaient un tapage quasi toléré par leurs maîtres. Les classes infé- rieures ne s'y mêlaient guère. Pourtant cela suscitait dans tout le lycée quelque effervescence.

Cette année, le tumulte fut grand. Comme la classe de l'après-midi finissait, la lumière d'un feu de bengale incendia brusquement la cour, puis s'éteignit, tandis que des cla- meurs et des chants éclataient. Un instant après une font détonation nous fit sursauter. Une sourde excitation se

�� �