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Page:NRF 19.djvu/211

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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 209

Nicolas. Théophile Gautier, qui en 1867 souhaitait depuis long- temps d'être Persan, ou tout au moins Turc, écrit des pages, un peu pataudes, d'enthousiasme, qui restent savoureuses et fran- ches, le vrai article d'introduction que pouvait souhaiter ce bon et fin vivant de Khayyàm. Mais on voit, cette même année et à cette même occasion, Renan, dans son rapport annuel, à la Société Asiatique, sur les études orientales, parler du grand poète persan sur un ton de pharisaïsme (j'allais dire de cafardise) qui surprend d'abord, et que l'on comprend bien ensuite. « Mathématicien, poète, mystique en apparence, débauché en réalité, hypocrite consommé, mêlant le blasphème à l'hymne mystique, le rire à l'incrédulité... Qu'un pareil livre puisse circuler dans un pays musulman, c'est là un sujet de sur- prise ; car, sûrement, aucune littérature européenne ne peut citer un ouvrage où, non seulement la religion positive, mais toute croyance morale soit niée avec une ironie si fine et si amère. Le manteau hypocrite des explications mystiques couvre toutes ces hardiesses. » C'est exactement en ces termes que ses anciens camarades de Saint-Sulpice durent parler de la Vie de Jésus et de YAbbesse de Jouarre. Le comique est que Renan pen- dant les quinze dernières années de sa vie allait colporter la phi- losophie de Khayyâm dans les salons et les banquets. Et un autre comique naît quand on voit Renan parler d'explications mystiques, qui ont bien pu exister pour les commentateurs de Khayyâm, mais qui paraissent aussi absentes de son œuvre qu'elles le sont du Cantique des Cantiques, traduit et échenillé de ces mêmes commentaires, par le même Renan. Concluons simplement que Renan avait gardé de son éducation sulpi- ■cienne une tendance au conformisme des mots sous l'autonomie de la pensée.

��Des jardins sur l'Orient sont naturels à un Français cultivé et bien né. Depuis Chateaubriand le voyage d'Orient joue à peu près dans la vie d'un écrivain franvais, ou simplement d'un honnête homme, le rôle que remplissait au xvm e siècle le voyage d'Italie. L'Orient a été pour une bonne part dans les fonds, la substance, la richesse du génie lamartinien. Ce que Victor Hugo a tiré de son bref passage en Espagne et sur le

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