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Page:NRF 19.djvu/235

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NOTES 233

Rien de pareil chez M. Francis Carco. Aussi ses livres, et singulièrement l'Homme traque, ont-ils un accent grave et un peu dur : « Voilà, semble nous dire l'auteur, comme vous seriez, comme vous pourriez devenir, si vous aviez été livrés à vous-mêmes, à moins que vous ne fussiez sans cœur, sans nerfs et sans instincts. » M. Eugène Marsan a finement marqué le point où la psychologie de Carco rejoint la morale catholi- que, et l'intérêt de la rencontre.

A vrai dire l'espèce de gêne qui nous reste en quittant l'Edu- cation sentimentale, voire même M me Bovary n'est-elle pas due à ce défaut de sympathie profonde entre l'auteur et ses héros qu'il nous présente comme des imbéciles et qu'il traite avec une pitié ironique, sinon avec mépris. Il faudrait montrer aussi comment la charité de Carco diffère de celle de Ch. Louis Phi- lippe par exemple. M. Paul Souday, mis en défiance par la dédicace suspecte de l'Homme traqué, et par ailleurs attentif aux moindres traces d'esprit réactionnaire et clérical, a immé- diatement flairé chez Carco un romancier de droite en puis- sance et l'a exécuté en quelques lignes d'un récent feuilleton littéraire du Temps. Du moins cette partialité prouve-t-elle qu'il a compris. C'est le principal pour lui, sinon pour ses lec- teurs.

Le sujet de ce roman est fort simple. Lampieur, ouvrier bou- langer, a tué une vieille concierge pour la voler. Il a accompli ce crime à l'heure où les prostituées du quartier qui ont envie d'un petit pain ont coutume de faire descendre par le soupirail une pièce de monnaie attachée au bout d'une ficelle. Il s'en trouve donc une qui n'ayant rien vu remonter, connaît l'absence de Lampieur et peut la rapporter au crime dont les journaux ont indiqué l'heure précise. Le tourment de Lampieur est de décou- vrir la femme qui sait son secret, et de partager avec elle la trouble appréhension qui dans un être grossier tient lieu de remords. Mais c'est un fardeau trop pesant pour leur misérable amour. Lampieur parune imprudence involontaire et pourtant comman- dée par sa conscience obscure, se livre à la police. Ce dénoue- ment a été critiqué. (A ce propos observons que le livre « qui finit mal » est sur le point de passer tout à fait de mode.) On n'en voit pourtant pas d'autre possible. Peut-être M. Carco a-t-il abandonné un peu vite son triste héros à son destin. C'est que

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