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Page:NRF 19.djvu/333

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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 331

serre. Mettons que le livre de M. Daudet est crié fortement sur une estrade de réunion publique, celui de M. Lasserre plaidé dans les plis d'une robe d'avocat, celui de M. Reynaud parlé élégamment dans une salle de conférences à des étudiants ins- truits. Tous trois dénoncent le xix e siècle comme une période d'occupation étrangère en France. Le chartreux qui présen- tait le crâne de Jean sans Peur à François I er lui indiquait, en partie ou entièrement, la trace du coup de hache de Tanneguy Duchâtel comme le trou par lequel les Anglais étaient entrés en France : le trou qui a amené cette occupation étrangère c'est la fameuse échancrure de Genève et de Coppet. Genève, dit M. Lasserre. Ah ! ce Jean-Jacques ! — Coppet, dit M. Reynaud. Ah ! cette Germaine ! (si bien nommée !)

Ce n'est pas seulement l'influence allemande que M. Reynaud dénonce comme un mal, c'est l'influence étrangère en général. Depuis plus d'un an, l'hostilité entre la France et l'Allemagne tend à se doubler d'une hostilité entre la France et ses anciens alliés, c'est-à-dire que nous sommes menacés par une crise de xénophobie totale. Il serait possible (et je le ferais si je m'adres- sais à des étrangers) de plaider en sa faveur des circonstances atténuantes, mais, comme j'écris ici pour des Français, je crois plus utile de la déplorer et de nous mettre en garde contre elle. Or l'exemple de M. Reynaud nous montre comment cette xéno- phobie, d'abord dirigée contre un seul peuple, s'étend facile- ment à d'autres. L'influence allemande, pour lui, est solidaire de l'influence anglaise (p. 7). Voici en quels termes sont exposées les influences allemandes d'après 1848, sur Taine et Renan principalement : « Cette nouvelle offensive se produisit après 1854. C'est à partir de ce moment en effet que Hegel, effleuré seulement parla génération précédente, devient l'objet d'études et d'efforts de vulgarisation qui se prolongèrent pendant toute la période impériale. Goethe et Heine secondent son influence. L'Angleterre, qui ne manque jamais au rendez-vous lorsqu'il est besoin de soutenir la pénétration allemande, envoie fort à pro- pos son Darwin, dont les théories semblent merveilleusement s'accorder avec le panthéisme, puis son Spencer... » Mais vrai- ment, emprunter ainsi des images au militaire et à l'économi- que, n'est - ce pas employer son encre à rayer tout ce qui fait les caractères propres et distinctifs de l'intelligence ? Que

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