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Page:NRF 19.djvu/343

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CHRONIQUE DRAMATIQUE 34 1

que fois une nouvelle merveille d'ingéniosité, de trouvailles, de riens qui prennent sous sa plume la fantaisie la plus plai- sante, une cocasserie qui paraît inventée et qui apparaît tout de suite prise dans la vie même, une drôlerie, une clownerie étin- celantes, et tout cela dit et présenté avec un naturel, une simpli- cité, une brièveté sans pareils, et de temps en temps une émotion qui se cache, s'exprime à peine, charmante, rapide et vive. On ne peut raconter le sujet d'Une petite main qui se place. Chaque scène est une petite pièce et toutes réunies font un ensemble qu'on écoute avec un plaisir dans lequel l'intelligence a sa part, tant c'est un spectacle curieux que celui d'un écri- vain doué d'une telle verve jointe à de pareilles qualités d'ob- servation et d'invention. Qu'il est dommage, grand dommage, que M. Sacha Guitry se laisse aller à employer quelques expres- sions un peu bassement vulgaires, qu'il met sans doute, çà et là, pour plaire à son public de gens du boulevard, lesquels certai- nement ne voient et n'apprécient que cela dans ses pièces etnon toutes les qualités de finesse, de moquerie et de très particulière fantaisie dont elles sont pleines ! Une petite main qui se place en contient au moins une que j'ai trouvée vraiment regrettable, et d'ailleurs un peu forcée dans la circonstance. Au reste, peu de chose. Affaire de goût personnel, peut-être ? Rien de plus. Jamais on ne célébrera assez M. Sacha Guitry comme auteur dramatique. Il a tous les dons : la facilité, la langue, le naturel, l'invention, la vérité, le renouvellement, la fertilité, la clarté, la sensibilité, l'observation, l'émotion, et l'esprit, l'esprit par dessus tout, l'esprit sans lequel l'intelligence n'est qu'une chose pédante, lente et monotone. Il a aussi ce mérite, et cette sagesse ! de ne jamais sacrifiera l'actualité, de ne jamais s'occu- per de la chose publique, ni de ces questions soi-disantsérieuses dont on nous rebat les oreilles, de ne jamais viser ni au moraliste ni au pédagogue. M. René Benjamin a eu bien raison de direqu'il est notre Molière. Il y a longtemps que je voulais le dire. J'hé- sitais. Est-ce bête ? Je savais pourtant bien que je dirais juste» M. Benjamin n'a pas hésité. Il l'a dit. Il a dit juste. Si le théâtre, mis à part le théâtre lyrique, lequel n'est pas forcément le théâtre en vers, a pour objet d'intéresser en amusant, de faire rire en peignant la vie, de faire réfléchir en montrant les travers et les ridicules, cela sans discours, sans tirades, sans pathos, sans-

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