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Page:NRF 19.djvu/357

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notes 355

L'homme peut-il ôter de lui le tourment de la cause première, le besoin d'expliquer l'origine et l'essence de l'univers et de l'homme ? Non, cela est impossible. Dès lors qui sera Dieu ? Successivement Prométhée refuse un Dieu personnel trans- cendant ; la conception panthéiste de l'Etre-Dieu ; la concep- tion matérialiste; la conception hégélienne de l'idéalisme absolu, de l'identité de la Pensée et de l'Etre.

Prométhée, pour échapper aux catégories où se meuvent les hommes, va créer à nouveau l'humanité. 11 pétrit l'argile ; mais sa mère Gaïa est impuissante à l'animer, à lui donner, en même temps que la vie, l'immortalité et le bonheur dont rêve le Titan. C'est le démon de la Mort qui animera cette argile et lui conférera la vie mortelle, car c'est la mort qui engendre la vie, la quantité d'énergie est invariable dans l'univers. Prométhée s'empare des deux feux que lui offre le démon de la Mort : le feu rouge et le feu blanc. 11 voudrait se limiter à insuffler le feu blanc de l'intelligence à la créature nouvelle. Mais sans le feu rouge — curiosité, désir, aspiration, inquiétude — la créature n'aurait pas d'existence véritable, ne serait qu'immobilité. L'enfant naît de l'argile : il est aveugle. C'est la vengeance de la divinité. La clé du mystère universel n'est pas sur terre. Chargeant son enfant sur son épaule, Prométhée quitte la terre, à la recherche du secret qui rendra la vue à la créature. Les hommes, cependant, résignés à leur ignorance, agiront en adorant les dieux qui peut-être n'existent pas. Le grand combat s'est donc achevé par la défaite de la raison, l'apologie de la foi et de l'ac- tion.

Même réduite à une analyse aussi sommaire et déformante que celle-ci, l'affabulation générale de la Xef montre son ampleur, sa noblesse, son originalité et sa puissance. Cette grandeur et cette richesse se retrouvent dans le détail de chaque chapitre, Il y a là un entassement de systèmes, de pensée, une force dialectique, une aisance à se mouvoir dans l'abs- trait et à le matérialiser qui rappelle certains grands débats scolastiques en allégories, mais qui se double de la grande inquiétude moderne et, osons le mot, romantique.

Ce qui pourrait surprendre, c'est que l'Evangile chrétien n'a point de place dans ces théodicées et que la Bible elle-

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