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RÉFLEXIOXS SUR LA LITTERATURE 449

dépassé, parait-il, d'assez peu la vingtième année, et la conjonc- tion de deux ouvrages si différents nous apporte peut-être quelques lueurs sur la tranche de génération qu'il pourrait représenter.

La Crise des Alliances est, en un très gros volume, un « essai sur les relations franco-britanniques depuis la signature de la paix ». Il est publié, sous deux couvertures différentes, à la fois dans deux collections, dont il importe ici de marquer le carac- tère. D'abord il fait partie de la Bibliothèque de la Société d'Etudes et d'Informations économiques, que connaissent bien ceux qui s'occupent de questions actuelles. Cette société se rattache au puissant et riche Comité qui a fait les élections du Bloc National et qui contrôle une bonne partie de la presse politique, le Comité des Forges. Elle en constitue à peu près le bureau d'informa- tions. Le livre de M. Fabre-Luce paraît, en second lieu, dans la collection Politeia, bibliothèque de pensée et d'action politique, publiée sous la direction de M. René Gillouin, et qui se pro- pose de « fournir à l'esprit public français, sur les grandes questions d'intérêt national, européen ou mondial, une docu- mentation sûre et de fermes orientations ». La Crise des Alliances a semblé, du point de vue de nos dirigeants industriels et financiers (le groupe Stinnes français) et du point de vue du Corpus de raison politique actuelle que cherche à composer M. Gillouin, constituer un exposé raisonnable et utile de nos relations avec l'Angleterre depuis la paix de Versailles.

C'est là un symptôme à noter. L'esprit libre dont témoigne le livre de M. Fabre-Luce prend une valeur, et une valeur nationale, sur le marché. Les métallurgistes et les financiers commencent probablement à voir à quel point les manches tournoyantes des avocats peuvent obscurcir l'horizon d'un pays. Qu'il y ait quelque part, et de bureaux à bureaux, des procé- dures écrites, des dossiers, des plaidoiries, que tout cela s'ac- compagne d'éloquence, c'est fort bien : il n'y a aucune raison de blâmer ceux qui font consciencieusement ce métier nécessaire, et il y a des raisons de les approuver quand ils servent bien les intérêts matériels du pays. Mais un pays où la serviette de l'avocat s'élargit jusqu'aux étoiles, prétend à un pouvoir spiri- tuel, et où la presse finit par y tenir presque toute, ne tarde pas à prendre la figure d'un homme fort mal nourri. La Conférence

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