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4)8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'aller en Amérique pour voir des maisons à trente-six étages. Les Russes sont pour moi des gens d'un autre âge. Je ne plains pas du tout les nobles russes qui se trouvent aujourd'hui dépos- sédés de leur fortune et plus ou moins exilés. Ils ont été les premiers à souhaiter la guerre et à s'en réjouir. Quand on joue une partie, il y a le risque de la perdre. Tous les gens clair- voyants savaient que toute guerre qu'entreprendrait la Russie fournirait une occasion à la révolution. Pour ma part, c'est une chose que je sais depuis quinze ans. Tant pis pour les niais qui ne s'en doutaient pas, étant les premiers intéressés à le savoir. Somme toute, comme on le voit, je suis assez dénué de natio- nalisme. Je m'intéresse à la fois à tous les peuples et à aucun, y compris celui dont je fais partie. Il y a pourtant deux peu- ples qui me sont carrément antipathiques. Ce sont les Grecs et les Polonais, les premiers pour leur fourberie mégalomane, les seconds pour leur nationalisme hystérique. Elle était très bien, la Pologne, comme elle était avant la guerre. Elle mettait son hystérie dans son art. Cela donnait des choses intéres- santes. On s'est mis en tête de lui donner la liberté. Belle opé- ration ! On a créé là un joli danger. Pas un pays au monde n'a toujours plus mal usé de la liberté. Ce n'est pas une découverte que je fais. La remarque n'est pas neuve. On la trouve déjà dans Les Lettres persanes. Ce que nous voyons aujourd'hui de la Polo- gne redevenue libre ne la dément pas. Ces gens-là, les Polonais et les Grecs, mettraient le feu à l'Europe toutes les semaines, si on les laissait faire. Ils devraient être tenus en garde sérieuse- ment, comme des enfants qui ont la rage de jouer avec des allumettes. Cette partie de ma chronique est écrite depuis un mois. Je pique une phrase ou deux au sujet des succès que vien- nent de remporter les Grecs. Une fois de plus, ils ont appris qu'on se brûle quelquefois les doigts en voulant mettre le feu. Quelle galopade, Seigneur, du côté de l'arrière ! C'est la pre- mière fois de ma vie que je m'intéresse à une guerre et que le vaincu me fait rire. Je peux rire... J'ai assez de choses qui me défrisent dans la vie d'aujourd'hui, politiquement parlant. Une entre autres, c'est de voir ce qu'est devenu Paris depuis la guerre et surtout depuis la révolution russe. On va m'accuser peut-être d'une certaine étroitesse d'esprit en cette matière. Cela se peut bien, quoique ce soit plutôt une question de goût un peu

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