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468 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

quité, on n'a pu les copier. On a imité en revanche les côtés les plus extérieursde son interprétation des Grecs et des Romains: les faciles anachronismes, tout le côté Belle-Hélène et tout le côté chartiste, qu'il avait porté à un degré de finesse tel qu'on en oubliait tout l'artifice.

Il faudra bien un jour qu'on se décide à étudier d'un peu près le style d'Anatole France. Peut-être s'apercevra-t-on alors de deux choses, d'abord qu'il est nouveau, et en second lieu qu'il se rat- tache aussi peu à la grande tradition de la prose française que celui des Concourt par exemple. Même la phrase courte de Vol- taire, dont on parle volontiers à son sujet, n'a rien à voir avec la phrase courte d'Anatole France. A plus forte raison, la phrase de Bossuet, de Molière, de Pascal ou deMontesquieu. On verra peut- être que la prose française traditionnelle est toujours solidement charpentée, que la phrase française est conjonctive et relative, fortement articulée et que la prose d'Anatole France est volon- tairement désossée (dans le sens favorable qu'a ce mot en bou- cherie), qu'elle évite les qui et les que avec une ingéniosité qui tient du prodige (comptez combien il y a de relatifs dans une page de la Vie en fleur : quatre, deux, parfois zéro), qu'elle élude balancements et oppositions, les mais, les donc, qu'elle juxta- pose et ne lie point. Et l'on verra aussi avec quel art Anatole France a su éviter la monotonie que pouvait provoquer un stvle aussi morcelé, avec quelle vigilance méticuleuse il multiplie et diversifie les sujets des propositions successives, avec quel soin il varie les temps des verbes et dose les participes pré- sents. Et peut-être concluera-t-on en voyant en lui une sorte de Debussy littéraire ; le parallèle sera aisé : dévotion à Rameau ; dévotion à Voltaire ; lutte contre la période, la phrase trop « architecturée » ; haine de la déclamation et de la rhétorique ; amour de la brièveté et par une apparente contradiction amour de la fioriture.

Ce n'est là évidemment qu'un des côtés du style composite d'Anatole France ; il faudra aussi étudier l'influence du style de Renan et celle des orateurs de la Révolution ; et faire un chapitre à part sur la période chez France, car la période longue se rencontre aussi chez lui. Sous l'apparente homogé- néité du style, il y a une étonnante diversité, une diversité qui n'est ni chez Barrés, ni chez Loti, ni chez les Goncourt

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