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Page:NRF 19.djvu/598

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5^6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

voit qu'ils se laissent volontiers tenter par l'impressionnisme. »

— Le roman français est un roman bien composé. Les Fran- çais seuls savent composer. Un romancier qui veut être émi- nemment français doit savoir composer. Un impressionniste qui ne compose pas n'est pas un écrivain très français. Il ne suffit pas d'écrire en français, il faut composer en français. — Tout cela, M. Bourget, bon traditionaliste, le redit après ses maîtres de rhétorique, après les nôtres, après Brunetière, après Faguet. Ici tout notre passé littéraire fait bloc. Nos premiers exercices d'écriture s'appelaient compositions françaises. Le c Ce n'est pas composé » est tombé incessamment et tombe encore des chaires universitaires, tantôt sur un écolier de troisième, tantôt sur une thèse d'histoire, tantôt sur MM. de Goncourt. Et tout cela, d'un certain point de vue, est utile, est légitime. Ce sont idées anciennes, idées considérables. Mais nous pouvons, nous devons toujours, comme disait Gourmont, les dissocier.- Dissocier des idées n'est pas nécessairement les ruiner. C'est voir d'abord comment elles se sont associées.

En 19 12 j'écrivais que, dès qu'on sort des généralités, et de cette composition sommaire qui consiste à avoir un commen- cement, un milieu et une fin, composition qui existe à peu près dans toute œuvre d'art, on s'aperçoit que le sens du mot est très différent dans chacun des arts, en sculpture, en peinture, en littérature, en musique. Remarque trop évidente, et par elle- même de peu de portée. Mais, pour nous bornera la littérature, vovons dans quelles conditions et autour de quels genres la rhétorique a cristallisé son idée de composition.

A des époques précises et autour de deux genres seulement, à savoir le discours et le poème dramatique.

Pas de discours sans composition. L'expérience apprend en effet que si on veut faire entrer des raisons dans la tête d'un tribunal, d'une assemblée, d'une foule, il faut que ces raisons fassent masse, ou plutôt boule de neige, qu'elles s'appuient les unes les autres en une progression qui prenne le plus possible les caractères d'une progression géométrique, qui accroisse incessamment la conviction, et qui utilise avec le maximum d'efficacité un espace de temps restreint : restreint mécanique- ment, chez les Grecs, par la clepsydre, restreint organique- ment, partout, par la capacité d'attention d'un auditoire. De là,

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