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Page:NRF 19.djvu/611

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CHRONIQUE DRAMATIQUE 609

Le maquereau trouve aussi que les choses vont assez bien. On passe à une autre expérience.

Il s'agit cette fois d'une femme mariée, sorte de coquette et de vicieuse, que le père a fait se rencontrer dans un salon avec son fils et à laquelle a plu le joli visage du jeune homme, et, sans doute, a-t-elle pensé en elle-même, sa jeunesse à instruire. Elle vient le voir dans sa garçonnière. Le père l'a prévenu, lui a renouvelé tous ses préceptes. Ce sera le jeu classique. Elle n'aura que cinq minutes à lui donner. Pas même le temps d'ôter son chapeau. Qu'il n'insiste pas. Qu'il prenne pour vrai tout ce qu'elle lui dira. Au bout des cinq minutes, ce n'est pas seule- ment son chapeau qu'elle aura ôté, mais encore ses fourrures, pour commencer. Qu'il n'oublie pas non plus d'avoir bien soin de la prévenir pour toutes les choses qu'elles disent toutes en pareille circonstance, et qu'il soit bien le premier à les lui dire, avant qu'elle les lui dise elle-même. C'est extrêmement impor- tant. Tout se passe ainsi, et la scène est merveilleuse et jouée à merveille parles deux interprètes. Le jeune homme joue abso- lument le rôle de la femme, et celle-ci, décontenancée, sur- prise, tous ses effets supprimés, ne sait plus que faire ni que penser en entendant dans la bouche du jeune homme tous les propos qu'elle avait préparés. Les cinq minutes annoncées sont à peine écoulées que devant la tranquillité du jeune homme et sa façon de trouver tout naturel qu'elle n'ait pas plus de temps à lui donner, elle a non seulement ôté son chapeau, mais encore quitté ses fourrures et s'est étendue sur un divan en montrant quelque peu ses jambes. On parle de l'amour et le jeune homme joue son rôle : son âme est une énigme, il n'est pas comme les autres hommes, il ne faut pas le juger d'après eux, beaucoup de femmes très bien ont voulu l'aimer mais il a résisté, il s'est réservé pour le véritable amour, pour un amour digne de lui. L'a-t-il enfin rencontré ? Il voudrait bien le croire. Ce serait un grand bonheur. Qui sait, pourtant ? Les femmes sont si trom- peuses... En un mot, ce sont, dans sa bouche, tous les propos que tient une femme quand un homme lui fait la cour et qu'elle n'a l'air de résister que pour mieux céder. La femme, qui n'a cessé de le regarder en l'écoutant, dans un étonnement gran- dissant qui frise le dépit et la méfiance, finit par lui demander s'il est sincère ou s'il s'amuse. Il est sincère, parbleu ! et il le

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