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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

LA CHAUVE-SOURIS par Charles Derennes (Albin Michel).

On lit cette étude comme un agréable roman, mais on a peine à imaginer que les êtres exquis dépeints par M. Derennes — les plus proches de l’homme selon lui par leurs instincts, leur « mentalité » et leur inadaptation à la vie ambiante — soient ces monstrueuses chauves-souris de cauchemar qui peuplent les souvenirs de nos villégiatures enfantines. On a l’impression que M. Derennes a voulu tenir la gageure de faire jouer un rôle de ténor à une basse noble ou de jeune premier à un grime.

Entre Colette, J.-H. Fabre et Joseph de Pesquidoux, et à peu près à égale distance des trois, M. Derennes se taille une place bien à lui dans l’observation et la peinture du monde animal. On se scandalise un peu, toutefois, de la façon désinvolte dont il exécute en deux lignes Darwin, Buffon, J.-H. Fabre ou nos savants zoologistes. Pourquoi surtout, dans un sujet simple et naïf comme celui-ci, cet étalage de poncifs néo-classiques, ces déclamations sur l’ordre, la démocratie, la faillite de la science ? Cela gâte le plaisir du lecteur de bonne foi, qui supporte mal d’être endoctriné, quand il souhaitait uniquement être instruit et ému.

benjamin crémieux


LES DISCOURS DU DOCTEUR O’GRADY, par André Maurois (Grasset).

Les Silences du colonel Bramble étaient déjà fort réjouissants ; les Discours du docteur O’Grady qui les continuent leur sont peut-être supérieurs. Ce qui en fait le charme principal, c’est, je crois bien, l’habile juxtaposition d’un humorisme britannique, fidèlement rendu, et d’une ironie française qui s’exerce aux dépens de cet humour.

C’est au fond le procédé de l’abbé Coignard exerçant une verve d’humaniste sur la tradition catholique et gothique, ou d’un grasculus du siècle d’Auguste admirant et raillant la puissance et la barbarie romaines.

Sans exagérer la portée philosophique de cet agréable