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120 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mise au point l'emporte en émotion sur tout ce qu'un tel sujet a fait écrire d'éloquent et de passionné. Quand Barrés parle de l'Alsace, on ne doute pas qu'il soit ému, mais l'on sent bien que le problème n'est pour lui qu'un épisode dans un grand problème de politique française ; on s'aperçoit qu'il cherche à persuader, c'est dire qu'instinctivement on se met en garde contre lui. Il n'est pas impartial, aussi jouit-il de prestige plus que d'autorité. Il est peut-être trop grand écrivain pour que souvent le son même de sa voix ne nous distraie pas de ce qu'il veut nous faire entendre. Son point de vue est en France ; il est parfois à Metz ; il n'est guère en Alsace même. Et si la majorité des Alsaciens le lit attentivement, ils cherchent encore celui dans l'œuvre duquel ils se reconnaîtront tout entier. Car les questions sont là-bas plus chargées de nuances qu'elles n'apparaissent dans les Bastions de l'Est, Barrés y veut établir une éthique française à l'usage de l'Alsace- Lorraine ; mais il y a aussi des éthiques alsaciennes....

Un bref exposé de l'histoire du pays jusqu'à la guerre, le contre-coup des défaites dans le pays qui servit de rançon, le texte des traités, celui des protestations, quelques épisodes de l'écrasement d'un petit peuple et de sa résistance obstinée, c'est tout ce que contient le livre de Georges Delahache. Il se lit avec une angoissé, plusieurs le liront avec des larmes qui ne sont pas celles que fait couler un beau récit, mais celles qui jaillissent à la douleur d'une blessure. Rien ne froisse l'Alsacien comme les bavardages qu'on fait sur son compte. Il sait bien qu'on ne peut juger équitablement, en France, les concessions que, " comme des cris de grâce " un despotisme dictatorial lui arrache. Mais du moins, qu'on ne parle pas de lui légèrement.

On ne parlera pas, dans les salons, de la Carte au liséré vert. Colette Baudoche est un livre utile et beau, dont on peut s'entretenir dans les salons. — Un livre qui expose la question d'Alsace sans faux tragique, dans sa simple amertume, on ne peut l'ouvrir qu'enfermé chez soi, honteusement. On ne se félicite pas de l'avoir lu. J. S.

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