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L’ŒUVRE DE
CHARLES-LOUIS PHILIPPE.


Songeant au pauvre et cher Philippe, je revois bien, et sans effort, ses aspects de vigueur paysanne que la vie de bureau n’avait pas affadis : le corps « petit, mais costaud », le visage plein et coloré, où même la cicatrice creusée dans la mâchoire paraissait moins signe de maladie que de quelque ancienne blessure ; je revois aussi ses airs décidés, presque rageurs, quand l’irritaient les actes des méchants ou les jugements des sots. Mais plus facilement et plus volontiers j’évoque ses rougeurs timides, son regard de rêve et de malice ingénue, le sourire enfantin de sa bouche gourmande, et cette voix posée et douce, que représente fidèlement son écriture toujours égale et bien formée. — Pareillement, dans ses livres, le réalisme délibéré, la volonté d’âpre franchise, jamais ne supprime et jamais ne cache le fonds premier de son talent : une âme de pitié, de tendresse, de frémissante poésie. Cette âme spiritualise les sujets les plus vulgaires, transfigure les plus incultes héros, et, non contente d’animer le dialogue et le récit,