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Page:NRF 3.djvu/161

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Balzac, où des êtres de toute classe gardent, malgré leur dissemblance, un même air de réalité. Lui voit les pauvres du dedans ; les riches, seulement du dehors. Fantastiques comme des monstres de la Fable, ils n’apparaissent pas mêlés à l’action, mais planent au-dessus d’elle, y laissant parfois tomber, comme un roc, le poids écrasant de leur volonté. Un étudiant muni d’argent de poche, un médecin de campagne nanti d’un héritage, prennent, dans l’énormité de leur inconscient égoïsme, les proportions d’un Gargantua. Sous ces riches, les pauvres se traînent, accablés, entravés, vaincus par le sentiment de leur impuissance ; à peine ont-ils quelques moments de cette insouciance heureuse où l’on reprend haleine avant de souffrir. Ici pas de milieu, semble-t-il, entre l’enclume et le marteau : Sans argent, l’homme reste faible ; avec l’argent, il a la force, une force factice et toujours malfaisante, et devient tyran sans le vouloir. Philippe subit, plutôt qu’il ne choisit, cette philosophie désolée, et semble même dans ses derniers romans se travailler pour en sortir.

Marie Donadieu, c’est la grande épreuve de Jean Bousset. Marie ne grandit au fond de sa province, n’épanouit sa grâce animale et câline, que pour offrir à Jean Bousset l’occasion d’être héroïque en repoussant cette fuyante amie qui vient le