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CHARLES BLANCHARD

troubler, elle s'arma de toute sa lucidité pour faire Une observation précise. Voyons, que se passait-il? Pourquoi l'enfant n'avait-il pas répondu? Elle regarda. On ne sait pas ce qu'elle vit.

Ce qu'elle vit, arrêta tout net dans son corps la vie qu'elle avait menée jusqu'ici. Elle sentait cela d'un seul coup. Déjà une boule énorme dans son estomac ne pouvait plus passer. Le hoquet vint la prendre et pendant un bon moment ne la quitta pas. On entendait en elle son bruit : Ouakka ! comme si une voix nouvelle eût pris la place de sa voix absente. Elle fut en face de ce qu'elle vit moins qu'un chien, moins qu'une mouche, moins qu'un pou. Tout ce qu'elle put faire, fut d'avoir envie de partir et de se mettre à trembler. Une peur basse, sournoise, indigne d'une mère, se fit place en son âme, la première pensée qu'elle trouva fut celle-ci :

— Est-ce que ça ne s'attrape pas ?

Un peu plus tard elle se leva, elle s'en alla doucement vers la porte et avant de s'enfuir elle se détourna pour voir si l'horrible chose ne la suivait pas dans la rue.

Elle marcha sur les routes, elle marcha si longtemps que l'heure de son premier ménage était passée depuis une bonne demi-heure qu'elle marchait encore. Lorsqu'elle s'en aperçut, elle continua de marcher. Elle s'éloigna de son fils, elle s'éloigna de sa maison, elle s'éloigna même de la petite