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I92 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

il écoutait sympathiquement, mais tout cela ne le troublait guère. Il était socialiste comme les nègres sont crépus : le socialisme était pour lui le sentiment d'une différence. Il était fils de ceux qui font les sabots des autres, ou les ménages des riches. Malade, il avait été moins bien soigné, lycéen, il avait été moins bien élevé que les enfants des riches. A vingt ans, il avait souhaité de s'échapper de sa classe : il n'avait pas pu, et ensuite il n'avait plus voulu. Il resta, de plein gré, parmi ses frères les humbles, et comme il faut, ayant des principes, y conformer sa vie, il n'eut jamais un chapeau haut de forme, ni un habit noir.

Il eût été sans doute syndicaliste, s'il eût voulu prendre part à l'action politique. Mais il avait horreur de la poli- tique et des politiciens 1 . Il pensait qu'il y a profit pour les pauvres à se tenir les coudes, et qu'en s'unissant ils peuvent obtenir beaucoup des riches. Quant à la forme que pourrait prendre la société transformée, il ne s'en souciait guère, estimant que ceux qui ont pour eux la force et le nombre n'ont pas tant besoin de se hâter que de se connaître. C'est à mieux [connaître les hommes qu'il a travaillé toute sa vie, et tout son art est le fruit de ce travail. Il m'écrivait le 16 Décembre 1895 : "J'étudie (à Cérilly) le mécanisme de la vie. Le métier que j'ap- prends m'aide en ce sens et me procure des éléments de discussion avec des ouvriers. On peut étudier chacun selon son métier, et découvrir dans le mode de paroles et de vie le pli professionnel."

De telles phrases témoignent d'un sens pratique et concret de la vie, et peuvent instruire ceux qui veulent faire de Philippe un disciple de Tolstoï. Certes, il a aimé 1 Voir l'Enclos, mai 1898 : La Petite Ville.

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