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CHARLES BLANCHARD

dans la rue du travail auprès des maisons des travailleurs. Il se dépense plus d'activité dans les villages que ne le croient d'ordinaire les gens de Paris qui les traversent en voiture. Certes, le silence règne sur toute la longueur de la rue, jusqu'où l’on peut voir ; les poules et les chats sont des habitants paisibles ; c'est à peine si une femme coud sur une chaise au-devant de sa porte,entourée de petites filles qui s'essaient à coudre comme elle, mais dans l'ombre des boutiques, des ouvriers qui ne font qu'une tache sombre aux yeux du passant, obéissent à la vie avec courage, et, sabotiers, menuisiers, charrons, font tous les sabots, tous les meubles, toutes les voitures dont les hommes ont besoin dans un rayon d'une lieue.

Dès qu'on franchissait le seuil de la maison de Baptiste, on oubliait tout ce que l'on avait pu voir avant d'entrer. On ne pensait plus à la vieille église qui, placée au milieu des maisons, les surveille comme une mère poule surveille ses petits qui ne sont pas bien grands encore. On ne pensait plus à ces campagnes de la France dans lesquelles les villages heureux ont été posés au bon endroit comme par des enfants qui ont sorti le contenu de leur boîte à jouets dans une grande prairie. Dès qu'on franchissait le seuil de la maison de Baptiste, on pensait à tout autre chose.

La maison de Baptiste Dumont était pleine de sabots. Elle en contenait tant que l'on comprenait