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Page:NRF 3.djvu/259

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LETTRES 249

preuve de ton amitié je t'en remercie doublement. Je veux aujourd'hui y répondre et te démontrer point par point combien tu as tort de blâmer une sorte d'apathie dont sont atteints tous mes per- sonnages. La première preuve que tu as tort c'est que, si j'étais comme tu m'as vu, je te donnerais raison. Tout d'abord tu raisonnes mon cas comme si j'étais un écrivain à la fin de sa carrière. En vérité, j'ai peint, jusqu'ici des pauvres et je l'ai voulu, d'abord parce que je connais assez bien les pauvres, et qu'il me fallait, dans ce que je puis considérer comme mon œuvre, exposer le problème avant d'en apporter la solution. La première idée que j'avais eue de Jean Bousset était de lui faire jeter une bombe dans un endroit de Paris que je sais. Mais lorsque, plus tard, j'ai mieux embrassé mon sujet, j'ai senti combien la pauvreté devait tuer la force en lui. Et j'en ai fait le fils d'une race de pauvres et l'égal de Père Perdrix. Tout ce que tu me reproches est volontaire. J'ai voulu montrer dans le Père Perdrix une résignation condamnable. Connais-tu le livre de Knut Hamsun qui s'appelle " La faim ". Tu y as vu combien la faim vous aplatissait son homme. C'était le sujet même du livre comme la pauvreté est le sujet du mien.

La meilleure preuve que je ne suis pas " socia- liste manchot " c'est que je reprends mon Jean Bousset dans le livre que je suis en train d'écrire.

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