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Page:NRF 3.djvu/285

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V

��LES "CHARLES BLANCHARD 275

là, dans un grand désordre où se confondaient les saisons : des choux, des raves, des carottes, des pommes de terre, des haricots, des tomates, des choux-fleurs, des épinards, des poires, des pommes, des cerises, des fraises, des raisins, et ces pêches qui semblent vivantes, qui ont une chair, une peau, une si belle mine qu'un sentiment d'ordre supérieur s'ajoute au plaisir que l'on éprouve en les mangeant. Il n'ignorait pas, assurément, que tout cela existait auparavant sur la terre ; il avait vu des poires sur les poiriers, des choux dans les jardins, mais la question ne se posait pas alors de la même façon. Il trouvait que les poiriers faisaient ien dans les champs, les poires bien sur les poiriers, et qu'il était de bon goût de faire pousser des choux dans les potagers. Quand on parcourait le monde avec un peu d'attention, on y rencontrait des choses qui semblaient posées un peu partout pour le plaisir des yeux.

Charles Blanchard eut la révélation de tout un monde insoupçonné ; que n'apprit-il pas en ce jour ! Certes, il se servit de ses deux yeux pour bien regarder, mais ses deux yeux ne le mettaient pas en relations suffisantes avec tout ce qu'il avait à voir. Ce fut comme si un nouveau sens se faisait place parmi ceux dont il se servait déjà pour apprendre à connaître l'Univers. Il se produisit un phénomène comparable à un éboulement, une part de lui-même s'effondrait et laissait en plein

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