Aller au contenu

Page:NRF 3.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

��LES "CHARLES BLANCHARD " 277

que, de la tête au talon, il fût creux comme un trou. Il avait appris, le jour du marché, qu'il avait faim. Il ne savait plus, maintenant, de quoi il avait faim. Il parcourait le monde après toute une vie de jeûne, chacun de ses pas était destiné à lui faire trouver un peu de nourriture, il ramassait tout ce qu'une petite ville peut laisser traîner.

Ce furent des jours nombreux, ce furent tous les jours de ces étés que nous avons vécus quand nous avions dix ans. Chaque matin à sept heures, dès que sa mère était partie, Charles Blanchard dans sa maison ne se sentait pas à sa place. Une voix dans la rue, une voix par la ville, une voix sous les cieux se faisait d'abord très douce et lui allait au cœur, puis, pour peu qu'il mît quelques minutes à lui résister, une grande voix implacable sortait de la Terre entière et lui criait :

— Il faut venir tout de suite !

Il se dressait, il n'était pas long à ouvrir la porte, encore moins à la fermer, il obéissait sans un regard en arrière et portait même à ses pas une grande application comme un travailleur qui se rend compte de l'importance de son ouvrage et veut consacrer toutes ses forces à le bien faire.

�� �