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494 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tant aux dortoirs remplit les couloirs et les escaliers. Joanny guetta le passage des élèves de cinquième. Car les classes inférieures défilaient devant les grandes classes, qui attendaient, debout devant le mur de leurs études, et montaient les dernières. Avec le bruit de leurs pas et le son de leurs voix, les petits passaient, la dé- marche vive, en rangs serrés, de grands yeux rayonnant çà et là hors de l'ombre. Des plaisanteries ; des sourires échangés : le " bonne nuit " des gosses aux grands ; c'était le seul moment de la journée où Ton fût vraiment doux et bon. Comme les cinquième passaient, Léniot se glissa dans leurs rangs et suivit le petit Marquez qui marchait en tête. Dans l'escalier, il y eut une soudaine bousculade; quelqu'un dépassa Marquez, le repoussa brutalement et le fit tomber. Léniot put alors l'approcher, il l'aida à se relever et lui rendit son béret, qui avait roulé sur les marches. Marquez prit le béret, balbutia un remerciement, et continua de monter.

— " Y el paûuelo, tambien y " dit Léniot en lui tendant son mouchoir qu'il venait de ramasser. Le petit Marquez pour la première fois regarda Léniot. Et son regard était plein d'étonnement. Il essaya, tristement, de sourire. Alors, Joanny n'hésita plus ; il lui prit la main, se pencha sur lui, et l'embrassa. Marquez se débattit, voulut se dégager ; sa fierté se révoltait. Mais il avait trouvé, depuis son entrée au collège, tant de dureté et tant de cruauté même, que cette marque de tendresse, — et venant d'un grand, — abolit tout son courage, toute sa farouche résignation à souffrir. Il s'abandonna ; mit sa tête contre la poitrine de cet ami, et pleura toutes ses douleurs. Cependant tous deux, enlacés, continuaient à monter,

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