Aller au contenu

Page:NRF 3.djvu/562

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

��5 $2 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Sainte antiquité grecque, ô Moires maternelles ?

Déjà bien des printemps se sont ouverts pour moi.

Au pilier résineux de chacun de leurs mois

J'ai souffert ce martyre enivrant et terrible

Près de qui le bonheur n'est qu'un ennui paisible.

Je ne verrai plus rien que je n'aie déjà vu ;

Je meurs à la fontaine où mon désir a bu :

Les battements du cœur et les beaux paysages,

L'ouragan et l'éclair baisés sur un visage,

L'oubli de tout, l'espoir invincible, et plus haut

L'extase d'être un dieu qui marche sur les flots ;

La gloire d'écouter, seule, dans la nature

L'universelle Voix, dont la céleste enflure

Proclame dans l'azur, dans les blés, dans les bois,

" Ame, je te choisis et je me donne à toi, "

Tout cela qui frissonne et qui me fit divine,

Je ne le goûterai que comme un front s'incline

Sur le miroir, voilé par l'ombre qui descend,

Où déjà s'est penché son rire adolescent.

— Mais la fougueuse vie en mon cœur se déchaîne :

O son des Angélus dans les faubourgs de Gênes,

Tandis qu'au bord des quais, où règne un lourd climat,

Les vaisseaux entassés, les cordages, les mâts,

Semblent, dans le ciel pâle où la chaleur s'énerve,

De noirs fuseaux, tissant la robe de Minerve !

Vieille fontaine arabe, au jet d'eau mince et long,

Coulant chez les latins, dans de secrets vallons.

Soirs du lac de Némi, soirs des villas romaines

Où la noble cascade en déroulant sa traîne

Sur un funèbre marbre, imite la pudeur

De la Mélancolie, errante dans ses pleurs,

�� �