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Page:NRF 3.djvu/685

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nue, les truculents personnages, les savoureux et singuliers maniaques sont moins nombreux. Les bouffons cèdent la place aux jeunes gens de notre temps, inactifs et songeurs faisant de leur vie un rêve où se prolonge l’image du passé, pas- sionnés de bibelots, de vieilles demeures et de jardins anciens, amoureux sans espoir et sans audace, effrayés par la passion. Et cependant, de livre en livre, ces rêveurs deviennent plus heureux ; si Franois, si Renaudier meurent, ce n’est pas sans avoir été aimés. Et voici que dans la Flambée, André Mauval est aimé aussi, et cependant bien qu’il n’en meure pas, ce ro- mans est le plus triste qu’ait écrit M. de Régnier. A peine si l’on entrevoit un personnage de " l’ancienne manière," héros en chambre, militaire de café, tous les autres comparses sont vrais, d’une vérité courante et coutumière. C’est un livre grave, sobre, enveloppé d’un style un peu détaché, un peu lointain, tout baigné d’une poésie qui est parfois humble et parf ois altière et qui nous touche par ce qu’il a de familier et de véridique. Peu de romans aussi exacts ont été écrits sur l’amour d’un jeune homme, et cela sans avoir le parti-pris de dénigrement, de rabaissement d’un Tristan Bernard, par exemple. Et rien n’est plus émouvant, plus contenu, ni plus dans la manière de M. de Régnier que cette page finale où le jeune homme, après avoir oublié son amour, jette dans une citerne de Boudroum un tête d’argile d’ Halicarnasse en laquelle il a cru retrouver les traits de celle qu’il aima. Ainsi, moins pittoresque et plus hu- main, M. de Régnier, romancier, va rejoindre dans une résigna- tion hautaine et une mélancolie apitoyée M. de Régnier, poète.

E.J.


LES RYTHMES SOUVERAINS d’Emile Verhaeren.

Non, Hercule n’a point fini ses travaux. La crainte qui le tient de se " recommencer " est une vaine crainte. Est-ce que son cœur ne " brûle pas comme autrefois son torse " ? N’a-t-il pas encore la plus jeune ardeur ? Un souci de renou- vellement le tourmente : c’est le plus noble des soucis quand il naît de lui-même, au sommet d’une belle carrière et en