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Page:NRF 3.djvu/737

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POÈMES D'UN VOYAGE 727

Mais nous nous hâtons dans ces solitudes. Et jusques à quand avancerons-nous sur ce plan morne et gazonné ?..

Ils dévalaient le sentier, d'un petit trot souple et silencieux de sauvage. En nous croisant, ils ont pris le temps de poser sur nous un noir regard. C'étaient trois faces rases, anguleuses, et cuivrées — trois vagabonds étranges ! le front ceint, barbarement, d'un bandeau couleur de sang, et un grand haillon fauve de tous côtés leur pendant des épaules.

Les hommes vont leur pas, et les femmes coura- geusement se hâtent à leur suite déhanchées sous des charges, des enfants trottent, de grands vieux enjambent avec raideur. Ils s'en sont allés, toute une tribu de pauvres, se louer en France pour les vendanges ; maintenant ils retournent chez eux, à leur misère.

Et leur longue file serpente au travers du flanc énorme et nu.

Ces sommets ronds et chauves que domine un grand cap de pierre, ces pentes vagues d'herbe roussâtre, ces tristes talus où s'espacent des buis...

Et la vallée en bas, d'une si déserte monotonie. — Le sentier y descend.

Jean Croué.

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