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70 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Ayant divisé les murs de la chapelle en six panneaux d'égale dimension, il se proposait d'y reproduire autant de tableaux célèbres, qu'il ramenait tous à la même échelle. Des inscriptions de sa main, tracées sur le plâtre nu, promettaient ici la Nativité de Rubens, là la Cène de Léonard de Vinci, ailleurs l'Ascension de Raphaël, etc.. Il possédait des copies de ces chefs-d'œuvre, et, procédé dont il se louait fort, il en transcrivait les figures au pantographe sur des toiles qu'il découpait, coloriait et finalement collait à l'emplacement voulu. Mon père, lequel convenait humblement de n'être pas artiste pour un sou, admirait jusqu'au décorateur dans son aîné aux universels talents.

Mes cousins, moins complets que l'auteur de leurs jours, ne manifestaient aucun goût pour les arts. L'un d'eux, s'étant montré lorsque nous arrivions, m'emmena au laboratoire, où, faits comme des voleurs, ils préparaient, à cinq ou six, un explosif de leur composition, dont les effets devaient être prodigieux. C'était là une de leurs expériences favorites, mais que je considérais avec le moins de faveur. Oisif et peu gaillard, j'assistai à leurs dangereuses manipulations. Lorsqu'ils eurent chargé une boîte en fer blanc du produit mirifique, on passa dans le terrain vague, qui, derrière la " chimie ", servait de dépotoir, et la machine infernale fut descendue à l'aide d'une corde au fond d'une citerne desséchée. Ladite citerne en avait vu bien d'autres ! A peine une allumette eût-elle pris feu entre les doigts de l'expérimentateur en chef, qu'oubliant la longueur de la mèche, mes cousins s'égaillèrent dans toutes les directions en poussant des hurlements de joie. Pour ma part, je me jetai sous la

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