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78O LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

j'étais sur la place du Théâtre-Français, à peu près déserte parce que c'était un dimanche matin. Cette visite ne m'avait guère pris plus d'une heure. Mon enfance et ma jeunesse, qui me paraissent déjà si loin, comme, en réalité, elles sont près de la place du Théâtre-Français, où je passe presque tous les jours.

C'est de ma première visite, en 1902, que je veux parler un peu longuement. — A l'abord, on ne voyait pas qu'il y eût rien de changé. L'entrée était toujours ce vestibule nu, avec une grande croix noire clouée au milieu du mur jaunâtre. Et, à droite, était la loge du concierge, avec un guichet et une haute barrière à claire-voie. Et dans la loge était le même concierge que de notre temps, un peu vieilli, son impériale ayant blanchi, notamment ; et ses décorations, au lieu de s'étaler sur son dolman de livrée, bleu à boutons d'argent, étaient condensées en une rosette, unique mais énorme, qui fleurissait la boutonnière d'un veston assez banal. Certainement il regrettait la livrée riche et sobre de Saint-Augustin.

Il me reconnut presque tout de suite, et me salua gaiement d'un juron espagnol.

— Excusez, Monsieur ; mais je suis si content, quand je revois un de mes anciens élèves. Et vous êtes bien tous un peu mes élèves : je vous ai élevés. Vous étiez si petits quand on vous envoyait ici. Vous, les Français, passe encore ; mais je ne comprends pas ces Américains qui envoyaient leurs enfants si jeunes ici, avec la moitié du monde entre eux. Ces pauvres petits abandonnés ! J'ai fait la guerre, moi, Monsieur ; je suis un homme dur ; eh bien, j'ai pleuré, des fois, oui, pleuré, en les voyant ne pas pouvoir s'accoutumer ici. Et ceux qui mouraient,

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