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Page:NRF 3.djvu/82

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j6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Nous touchions à la fin de notre villégiature. Un des tout derniers jours, maman, Marguerite et moi, prîmes aussi le chemin du Colombier.

Evénement considérable, et qui pourtant arrivait à son heure par une pente fatale. Mon père ne revenait jamais de là-bas sans parler longuement de la femme de son ami, et il n'avait pas assez de louanges pour son dévouement, son tact, son courage. Dès lors, pourquoi maman demeu- rait-elle dans la coulisse ? N'était-ce point faire sentir injurieusement à madame Tourneur que toutes ses vertus ne suffisaient pas à la mettre au rang d'une honnête femme ?

J'approchais, le cœur battant, de ce domaine du Colombier, mystérieux comme ses hôtes, et que mes regards avaient si souvent cherché dans le paysage lorsque nous allions à Mauvent. Une lumière imperceptiblement voilée baignait la campagne paisible, enrichie des couleurs de l'automne. Les taillis brûlés par l'été étalaient sur les pentes toute la gamme des verts défaillants et des ors. Autour du château de Champdieu, les moutonnantes cimes du parc brunissaient. Les peupliers tremblaient dans le ciel doux. A l'ombre des pommiers, des pommes lie-de-vin étaient répandues sur le chaume. Des meules s'encadraient dans les arceaux ruinés de l'aqueduc romain.

Nous avions quitté la grand'route. Le chemin vicinal que nous suivions s'encaissa peu à peu. Nous dépassâmes une grosse ferme. On était arrivé.

Deux piliers, contre lesquel étaient rabattus les vantaux d'une porte de fer mangée de rouille, précédaient l'avenue, laquelle, moussue et ravinée, traversait un petit bois de hêtres. Et tout à coup, dans le silence du lieu retiré où

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