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Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/149

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toujours en dérive.

sant bouillonner l’eau bruyamment. Nous pourrions facilement en abattre, mais comme nous avons encore de la viande fraîche en quantité suffisante, nous laissons en paix ces beaux animaux ; nous avions emporté du Jason un gros gigot du poney. Dans l’après-midi, la glace est très épaisse.

« 23 juillet. — Dans la nuit, un service de garde est organisé ; chaque quart est de deux heures. À ce propos Ravna nous amusa beaucoup. Ne sachant se servir d’une montre, il ignore quand son quart est terminé, et de crainte de commettre une faute, il reste debout quatre ou cinq heures avant de se décider à réveiller celui qui doit lui succéder : encore à ce moment-là n’est-il pas certain que son temps de garde soit fini.

« A sept heures et demie, Dictrichson nous réveille. La glace s’est ouverte. Quoique les canaux soient encore couverts de bouillie glaciaire, il est possible d’avancer. Nous chargeons les canots, puis, les glaces s’étant de nouveau rapprochées, attendons encore une demi-heure avant de nous mettre en route. Ayant réussi à gagner quelques bassins d’eau libre, nous avançons assez rapidement pendant quelque temps. Au moment de quitter le glaçon où nous avons passé la nuit, passe un vol de canards noirs en route vers le nord. C’est un indice du voisinage de la côte, et cette vue ranime les courages. Dans cette région, la faune ailée est très pauvre : nous n’y aperçûmes pas même une mouette.

« Toute la journée nous peinons pour faire route dans la direction de terre. Quand la glace se referme, nous attendons patiemment, puis nous nous remettons courageusement au travail dès qu’elle s’écarte.

« Nous nous rapprochons de la côte ; l’espoir grandit. Un corbeau venant du sud-ouest passe au-dessus de nos têtes en route vers le nord.

« Sur les glaçons voisins de nous apparaissent plusieurs gros phoques à capuchon (des adultes). La tentation est trop forte pour un chasseur, et, accompagné de Sverdrup, je pars tirer un « vieux » qui est là tout près de nous.

« Après avoir rampé quelques instants, je lâche mon coup de fusil. L’animal, frappé en plein, reste sans mouvement. Cependant, lorsque