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Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/156

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à travers le grönland.

land. Quelques-uns sont d’avis que si, à l’époque où nous débarquerons, la saison est trop avancée pour tenter l’aventure, nous n’en devrons pas moins faire roule vers le nord, aussi loin que possible. Nous hivernerions sur la côte orientale, et au printemps ferions route vers l’ouest. Ce plan me paraît bien hasardeux, car en pareille circonstance nous ne pourrons conserver intactes les provisions que nous avons apportées, et sans elles, la traversée de l’inlandsis sera impossible. Dietrichson se déclare partisan résolu de ce plan. « Après tout, dit-il, nous risquerons simplement nos vies. » Pendant cette discussion, Balto prend, lui aussi, la parole : « Ne parlons pas de ce que nous ferons plus tard, dit-il, jamais nous n’atteindrons la côte ; dans quelques jours nous serons tous noyés dans le Grand Océan. Mon seul désir est que le Seigneur me fasse la grâce de me laisser mourir en bon chrétien, je me repens de mes fautes, et j’espère ainsi gagner le ciel. J’ai commis dans la vie bien des mauvaises actions, combien maintenant je les regrette, car je crains bien de n’être pas sauvé. » Je demandai alors à Balto s’il ne croyait pas qu’il dût se repentir de ses fautes, au cas où la mort ne serait pas prochaine : « Oui, me répondit-il, mais dans ce cas le repentir n’est pas urgent. » Il promit cependant de devenir meilleur, s’il échappait à la mort. Conception bien naïve du christianisme, assez répandue toutefois ! « Eh bien, Balto, si tu reviens en Finmark, boiras-tu encore ? » lui demandai-je. Non jamais, il ne prendrait plus que quelques petits verres. C’était la faute de son penchant pour l’eau-de-vie, me confessa-t-il tristement, s’il était venu avec nous et s’il se trouvait maintenant sur la banquise. « Comment cela est-il donc arrivé ? lui répliquai-je. — J’étais ivre, me raconta Balto, lorsqu’un nommé X… me demanda si je voulais accompagner l’expédition au Grönland. Me sentant alors plein courage, je répondis affirmativement. Mais le lendemain, lorsque dégrisé je me souvins de ma promesse, je me repentis fort d’avoir fait une pareille réponse. Il était alors trop tard pour revenir sur ce que j’avais dit, et maintenant je donnerais volontiers 2000 couronnes pour ne pas être ici. »

« Quoi qu’il en soit, le moral de la petite caravane est excellent. Nous nous trouvons très bien sous la lente. Quelques-uns lisent, d’autres écrivent leur journal. Balto raccommode des chaussures,