Aller au contenu

Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
À TRAVERS LE GRÖNLAND

un petit bonhomme à l’air vieillot, la tête couverte d’une longue chevelure qui lui pendait sur les épaules. Celui-là avait le type lapon beaucoup plus marqué que son camarade.

Lorsque j’entrai dans la chambre, le vieux inclina la tête et me serra la main ; le jeune me salua comme ont coutume de le faire les gens du peuple. Le premier ne parlant guère norvégien, je m’entretins surtout avec son camarade.

« Vous trouvez-vous bien ici ? et dites-moi pourquoi vous avez pris le train de marchandises.

— C’est que le voyage dans le train de marchandises était moins coûteux que dans l’autre, répondit-il.

— Quel âge avez-vous ? ajoutai-je, continuant mon interrogatoire.

— Moi, Bato, j’ai vingt-six ans, et mon compagnon, Ravna, quarante-cinq. »

J’avais pourtant demandé à mon correspondant deux hommes de trente à quarante ans.

« Vous êtes tous deux pasteurs de rennes ?

— Non, Ravna seul est nomade, moi je suis colon à Karasjok. » Encore une déception !

« Vous n’êtes point effrayés de venir avec moi au Grönland ? leur demandai-je alors.

— Ah si ! répondit Balto, nous avons au contraire très peur. En route, des voyageurs nous ont affirmé que nous n’avions aucune chance de revenir vivants. » Quelle sottise de n’avoir pas averti ces pauvres gens des dangers que nous allions courir, avant de les mettre en route !

Je songeai alors à renvoyer les doux Lapons dans leur pays. Faute de temps pour engager d’autres compagnons, je dus les conserver. J’essayai ensuite de les rassurer en leur affirmant que tout ce qu’on leur avait raconté était pure invention.

Si les Lapons ne paraissaient pas aussi vigoureux que je l’eusse désiré, en revanche ils avaient l’air de braves gens. Ils l’ont montré du reste pendant le voyage, et nous ont prouvé également leur force de résistance. Sur l’inlandsis ils ne nous furent guère utiles pour reconnaître la route et ne se distinguèrent en aucune circonstance par un flair particulier du terrain.