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Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/226

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a travers le grönland.

Sur la côte nous découvrons une tente environnée de groupes d’hommes qui gesticulent. Le campement se trouvant immédiatement sur notre route, nous nous dirigeons de ce côté. Dès que les indigènes aperçoivent notre mouvement, ils prennent la fuite en emportant leurs trésors, leurs pelleteries, leurs vêtements, etc. Tout le monde grimpe en file indienne sur la montagne. Bientôt nous reconnaissons que ce sont des femmes et des enfants. Les rangs sont fermés par une Grönlandaise qui, après avoir pris dans la tente un paquet de peaux, se sauve en toute hâte à la suite des autres. Arrivé à une très grande hauteur, un groupe s’arrête et nous examine avec curiosité. Nous n’avons rien à faire avec ces Eskimos, mais nous tenons à leur prouver nos intentions pacifiques. Nous leur faisons des signes, nous leur crions les quelques mots de gröposé à descendre. Enfin une femme, poussée par la curiosité, se décide à revenir, elle fait quelques pas lentement, très lentement, suivie aussitôt après par une autre. Peu à peu les curieuses arrivent à portée de voix ; cela ne nous est guère utile, puisque nous n’avons rien à leur dire, mais elles peuvent se rendre compte de nos démonstrations pacifiques. Nous leur offrons des boîtes de conserves vides ; elles en ont bien envie, mais elles ont toujours peur. Sur ces entrefaites un Eskimo arrive, les voilà rassurées, et elles s’avancent jusqu’au rivage, pendant que nous restons dans les canots.

Nous nous regardons les uns les autres, tandis que les indigènes commencent à beugler sur un signal donné par le nouvel arrivant. En poussant ces grognements, le bonhomme avait l’air tout furieux, bien qu’au bout du compte ses intentions fussent très pacifiques. Cet Eskimo était vêtu d’un anourak en coton et coiffé d’un bonnet formé d’un, cercle de bois recouvert d’étoffe. Une croix rouge et blanche ornait le sommet de ce singulier couvre-chef. Pour posséder de pareils objets de luxe, la population était sans aucun doute en relation avec les établissements danois de la côte occidentale. Nous approchons de la grève, et l’un de nous saule à terre. Vite les indigènes s’écartent, puis reviennent, voyant que nous n’avons guère les allures d’ennemis débarqués pour les piller. Lorsque nous leur avons fait le magnifique cadeau d’une vieille boîte de conserves,