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Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/247

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notre dernier campement sur la côte orientale.

critique que de larges crevasses s’ouvrent devant nous, où nous serions fatalement engloutis au moindre faux pas.

Les rochers situés au-dessus de nous, très escarpés, défiant toute escalade, force nous est de continuer à descendre la pente sur laquelle nous sommes engagés. Nous arrivons enfin à une saillie de la montagne, mais au-dessous de ce pointement rocheux s’ouvre un rimaye[1] large d’au moins 20 mètres et plus loin on distingue dans l’obscurité d’autres crevasses. Impossible de reconnaître leurs véritables dimensions, elles sont toutefois assez grandes pour nous barrer le passage. La seule route ouverte pour atteindre la montagne est de suivre une vallée située à l’ouest de la rimaye, de traverser le pointement rocheux et de rechercher un passage de l’autre côté. Avec quel plaisir nous marchons sur le rocher après cette longue excursion sur la neige molle ! La pluie tombe à seaux, néanmoins nous nous asseyons sur des pierres pour attendre le jour et continuer ensuite notre marche. Enfin l’aube se fait et nous pouvons reconnaître le terrain. En dessous, le glacier est beaucoup plus praticable que nous ne le pensions. Nous choisissons la direction à suivre, et maintenant en route. Dans sa partie voisine de la mer, le glacier est moins tourmenté que plus haut, il est cependant encore très accidenté, hérissé de monticules et d’arêtes de glace entre lesquels s’ouvrent des crevasses. Mais elles ne sont ni aussi larges ni aussi profondes que plus haut, et elles ne se rencontrent que sur certains points ; cela provient de ce que les ouvertures du glacier se remplissent d’eau qui gèle ensuite. Après plusieurs heures de marche, vers cinq heures du matin, nous apercevons le campement. Comme nous le pensions bien, tous nos camarades dormaient profondément. En arrivant, tout de suite nous faisons un nouveau repas ; après une promenade de 40 à 50 kilomètres sur le glacier nous l’avons bien gagné. Ensuite nous nous endormons à notre tour, satisfaits du résultat de notre reconnaissance sur cette inlandsis si mal famée.

Avant de nous mettre en route pour la rôle occidentale, nous avions beaucoup de choses à faire. Il fallait astiquer les patins

  1. Crevasse marginale. (Note du traducteur.)