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Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/251

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historique des explorations dans l’intérieur du grönland.

Une fois les anciens colons normands disparus, les marins des pays du Nord oublièrent peu à peu la route du Grönland, et tous les renseignements que l’on avait sur le pays furent perdus. Au xviie siècle, complète était l’ignorance de la géographie du Grönland. À travers le pays les cartes indiquent un détroit de Frobisher et un Bearesound ; une carte exécutée par un cartographe du milieu de ce siècle, nommé Meyer, représentait le Grönland comme un archipel « aussi boisé que les environs de Bergen, en Norvège ».

Après l’arrivée d’Egede, en 1721, on explora la région littorale, mais pendant longtemps encore on eut en Europe les idées les plus bizarres sur l’intérieur du pays.

On songea alors à atteindre l’Österbygd, situé, croyait-on, sur la côte orientale, en traversant l’intérieur du pays. En 1725, Egede reçut la lettre suivante de la Compagnie de Bergen, qui avait entrepris la colonisation du Grönland : « Il nous semble utile, si la chose n’a pas déjà été faite, d’envoyer une troupe de huit hommes pour traverser le pays et atteindre la côte orientale, où se trouvaient les anciennes colonies. La largeur du Grönland à l’endroit le plus étroit ne paraît guère être supérieure à 12 ou 16 milles. Les hommes s’occuperaient en même temps de rechercher des forêts. Le voyage devrait être entrepris dès le commencement de l’été. Les hommes emporteraient des vivres dans leurs sacs et seraient munis de fusils et de boussoles afin de pouvoir retrouver leur chemin en revenant. Il faudra recommander à l’expédition de se tenir sur ses gardes contre les attaques des sauvages, si elle en rencontre, de bien observer toutes choses et d’élever sur sa route des monticules de pierre, afin qu’il soit possible de retrouver plus tard le chemin qu’elle aura suivi[1]. » Cette lettre est un excellent exemple de la sottise des géographes en chambre, qui veulent se mêler de politique coloniale.

Egede répondit fort sagement que pareille entreprise était impossible. « Les cartes, écrivait-il, étaient très inexactes, et d’autre part

  1. Lettre des directeurs au Conseil du Grönland, en date de Bergen le 19 avril 1723. J’ai emprunté ce document à l’article de P. Eberlin (Archiv for Math og Naturv. Kristiania, 1890).