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Page:Nantel - À la hache, 1932.djvu/101

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UN DIMANCHE AU CHANTIER

« Ma fille, dérange pas les ours dans c’temps-là… » C’est la raison pour laquelle j’vous ai parlé tantôt, j’en sais pas plus long…

Des larmes de bonheur appesantissent les paupières du jeune bûcheron. Sa compagne s’en aperçoit.

— Pourquoi que vous avez envie de pleurer ? J’vous ai-t’y fait de la peine ?…

— Non, non, mon cœur. Si tu savais comme j’sus heureux et comme j’t’aime !

Il saisit la fillette par la taille, l’attire à lui et cherche ses lèvres. Les bouches se joignent, se soudent. Les deux corps frissonnent, se frôlent et le premier baiser d’une vierge à son premier amour, fait sourire Dieu, qui jette vite un grand nuage pourpre devant le soleil.

La jeune fille se dégage soudain et court vers le rivage, nerveusement.

On est mieux de s’en aller, à c’te heure… J’ai peur qu’les ours y reviennent…

Elle accompagne son futur jusqu’à la passe du petit lac Clair. Un second baiser colle les canots, à les faire chavirer.

— Ma p’tite femme, chante L’Épicier.

— Gros vieux, reprend la fillette. Je t’aime, je t’aime… R’viens m’voir avant d’partir pour Saint-Michel. J’veux te r’voir. Et pis écris moé.