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Page:Nantel - À la hache, 1932.djvu/16

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À LA HACHE

nuit troublante de mai, avec son silence, beau et grand comme un dieu…

***

— Ça mord… Bonguenne, que ça mord !

L’Épicier, d’un coup sec, après avoir laissé jouer le poisson, pendant quelques minutes, tire, à longues brassées, et une truite frétillante tombe à mes pieds. Elle se débat rageusement. Ses muscles se raidissent, sa queue coupe l’air avec passion. L’hameçon en trépied déchire les ouies et je ne vois plus qu’un corps rose, gonflé, rigide, avec deux yeux froids. Des émeraudes où se condense déjà l’ombre. Quinze truites sont capturées, en moins de trente minutes. La plus petite pèse au moins six livres. L’Épicier, content, retire sa ligne et nous reprenons le chemin invisible du lac pour retourner au camp.

En repassant en face de l’île Valade, des hurlements viennent briser le silence. Mon compagnon déclare :

— Ses chiens nous sentent… Y en a douze et chaque nuit, beau temps mauvais temps, les saudits appellent les loups… Ces derniers leur répondent. T’nez, écoutez…

Au loin, par delà les monts, un roulement plaintif, affamé, monte des savanes. Rien n’est plus empoignant que ces plaintes animales où je