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Page:Nantel - À la hache, 1932.djvu/163

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LE COMPTAGE

— Lève !… Lève !… Lèèèèè… ve !…

Les truites suspendent leurs jeux. Les collines maussades, au vent de rêves brisés, répondent :

— Lève !… Lève !… Lèèèèè… ve !…

Les portes claquent. Les tambours jouent. Un bruit de foin taponné, de feuilles arrachées à la hâte, monte des sous-bois. La saine vie de la forêt recommence.

Je vole une ligne au contremaître, toute mêlée dans son chapelet, sur un clou, et me sauve au lac. La cuillère phosphorescente roule, avive l’eau. Coup dur qui me fait sauter dans le courant. Je tire et crie. Quelle angoisse. La corde fouette la surface, l’émiette. Je tire encore. Un boulet rose jaillit de l’onde, traverse l’air, disparaît. Je tire à me pendre, tombant sur le sable humide.

— Je l’ai ! je l’ai !…

Mes hurlements font accourir Félix Lépine, canotier superbe. Le métis ouvre des yeux noirs, grands, se gratte la fesse et s’esclaffe :

— En v’là ane bonne. Moé qui avais entendu : J’me naye… j’me naye…

Que n’ai-je encore une truite rouge de huit livres, mangée doucement, en amateur. Mais surtout, en face de Paul Charette et… de sa chemise, au bon endroit, cette fois.

Nous partons avec les hommes. Il fait en-