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Page:Nantel - À la hache, 1932.djvu/35

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LES CONTREMAÎTRES

avec gros de poivre. Ah ! c’te sacrée boisson, tout de même…

Joseph Boischer, doyen des « bûcheux », est âgé de 68 ans. Il est un des fondateurs de la paroisse de Saint-Michel-des-Saints, avec le curé Brossard, digne émule de Monseigneur Labelle.

Grand, osseux, la peau épaisse comme du cuir, jamais le père Jos n’a été vu autrement que chaussé de bottes sauvages, bien suiffées, et vêtu du veston en laine brune que sa Julie lui tricote à chaque hiver. Ses sous-vêtements sont en laine du pays, à mailles longues comme des dents. Il se moque à plaisir des jeunes portant sur eux du coton. Aussi, jamais le plus léger rhume n’est venu l’importuner. À lui revient l’honneur d’avoir ouvert le premier chemin du lac Clair, et aussi celui de la construction de la première digue dans le district, il y a près d’un demi-siècle.

L’habitude est bien une seconde nature chez Boischer. Il continue à ne manger que du porc salé froid, du pain sans beurre mais trempé dans la mélasse, après chaque bouchée de viande. Tel était le menu, dans les bois, en 1880.

Le vieillard déteste les commis, ces blancs-becs du progrès, et, sans être brusque avec eux, notre bonhomme chaque soir, en fumant sa pipe