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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/24

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peut-il que je sois obligé de le rappeler aux François, ce sentiment, pour tout autre motif que pour le bonheur de leur Roi ? Se peut-il que ce soit pour arrêter le progrès de la dureté, de l’injustice et de la violence envers lui ? Hélas ! qui me l’eût dit en d’autres temps ; qui me l’eût dit, lorsque si souvent, j’ai vu son émotion, au moment où on lui présentoit un moyen assuré de faire un grand bien ; émotion dont, par une sorte de pudeur, il combattoit l’expression, mais que plus d’une fois, ses larmes ont trahie ? Le nierez-vous, que son règne ait été marqué par divers bienfaits, et par des bienfaits tous caractéristiques de son amour pour le Peuple ! N’est-ce pas sous son règne, et dans le temps de son autorité, que les Corvées, ce fléau des campagnes, ont été abolies et converties dans un impôt relatif à la diversité des fortunes ? N’est-ce pas sous son règne que la Taille, cette imposition arbitraire, a été fixée d’une manière immuable ? N’est-ce pas sous son règne, que l’abolition de la servitude personnelle a été provoquée, par l’exemple qu’en a donné le Roi dans tous ses Domaines ? N’est-ce pas lui, n’est ce pas ce Prince humain et compatissant, qui, en abolissant ces supplices obscurs, ces tourmens odieux, destinés à rendre un malheureux témoin contre lui-même, a dégagé la procédure criminelle de toutes les barbaries dont elle étoit souillée depuis tant de siècles ? N’est-ce pas lui, qui, en s’occupant sans cesse de l’amélioration des Prisons et des Hôpitaux, a porté les regards d’un père tendre et d’un ami pitoyable dans les asiles de la misère, et dans les réduits de l’infortune ou de l’erreur ? N’est-ce pas lui, qui, seul peut-être avec Saint-Louis, entre tous les Chefs de l’Empire François, a donné le rare exemple de la pureté des mœurs ? Ne lui accordera-t-on pas encore le mérite particulier d’avoir été religieux sans superstition, et scrupuleux sans intolérance ? Et n’est-ce pas de lui, qu’une partie des habitans de la France, persécutés sous tant de règnes, ont reçu non-seulement une sauve-garde légale, mais encore un état civil, qui les admettoit au partage de tous les avantages de l’ordre social ? Tous-ces bienfaits sont au temps passé, mais la vertu de la reconnoissance s’appliquc-t-elle à d’autres époques, à d’autres portions de la vie ? Enfin, au milieu de tant d’actions publiques et particulières, dignes de votre intérêt qui pourroit reprocher à LOUIS XVI d’avoir jamais fermé son cœur à la compassion et à la pitié ? Mille voix s’élèveroient pour citer des traits de sa touchante bonté, mille voix s’élèveroient pour lui rendre à l’envi ce juste témoignage. Et c’est lui que l’on nomme un tyran ! mais en faisant le bien, il s’est