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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/7

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le plan d’une attaque contre les nombreux assaillans de son Château, et contre le Peuple entier de Paris ? L’Europe se demande comment ce projet d’agression se concilieroit avec l’association des Magistrats populaires aux dispositions adoptées pour la garde des Tuileries, et avec tous les caractères de doute et d’effroi qui ont accompagné ces démarches ? L’Europe se demande, comment ce projet d’agression se lieroit aux instances réitérées que le Roi fit le matin auprès de l’Assemblée Nationale, afin de l’engager à lui envoyer des Députés avec lesquels il pût concerter sa conduite ? Enfin, qui peut se souvenir de la journée du vingt Juin, et faire un crime au Roi, d’avoir cherché à opposer quelque résistance aux mesures qui se prenoient ouvertement pour renouveller une semblable insurrection ? Il avoit été exposé pendant six heures aux plus cruelles insultes, sa vie et celle de la Reine avoient couru le danger le plus imminent, et l’un et l’autre n’avoient échappé que par miracle aux excès d’une multitude égarée. La menace et les préparatifs d’une seconde irruption du même genre, devoient donc inspirer la plus juste terreur. Un simple particulier auroit cherché son salut dans la fuite, mais le Roi toujours victime, et jamais heureux de sa grandeur, se trouvoit dans la nécessité absolue de recourir aux moyens, dont il a fait usage : Hélas ! ce n’étoit pas seulement ses jours et ceux de sa famille qu’il avoit à garantir, c’étoit encore l’honneur de la France, qu’un horrible attentat contre sa personne, auroit souillé pour toujours. Cependant, comment pourroit-on se défendre d’un sentiment d’intérêt, en observant la différence de la conduite du Roi, à deux époques également remarquables dans les fastes de ses infortunes ? Il voit, le dix Août, qu’il sera contraint peut-être de repousser la force par la force ; et craignant alors pour d’autres victimes que lui-même, il s’agite, il s’inquiète, il manifeste des doutes et des incertitudes, il envoyé messages sur messages à l’Assemblée Nationale, il sollicite la présence de quelques Députés, il les appelle pour être aidé de leurs conseils, et dans l’espoir encore qu’ils arrêteront, par leurs exhortations, les projets d’une multitude aveuglée. Mais, le vingt Juin, où il n’y avoit ni combats, ni disputes sanglantes à redouter, et où seul, il est en danger, il s’avance sans gardes vers une foule armée de piques et d’autres instrumens meurtriers ; il ordonne qu’on ouvre les portes de son appartement ; il arrête le zèle ardent du petit nombre de personnes, dont il est environné ; il se résigne, avec calme, au péril qu’il ne peut se dissimuler ; il se présente sans peur aux regards menaçans d’un Peuple égaré ; et dans le cours de cette horrible journée, lorsque de généreux citoyens veulent s’approcher de sa Personne, et lui servir d’égide : allez à la Reine, leur dit-il sans cesse, allez auprès d’elle ! Cet