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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/9

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chose de nouveau à vous annoncer pour ce qui me concerne ; mais à peu de chose près, je suis au meêe point où j’étois à l’époque de ma dernière lettre. Je commence pourtant à croire que toutes les difficultés possibles sont épuisées ; la communication des pièces qui m’étoient nécessaires, va bientôt me mettre en état de travailler à ma défense. Mais je regretterai toute ma vie qu’elle n’ait pu paroître dans le moment actuel ; car elle sera curieuse, non pas pour ce qui sera de moi, mais par la manifestation de ce qui s’est passé dans les Cours étrangères ; par la démonstration qu’on ne vouloit point nous faire la guerre, par la preuve sans réplique que c’est nous qui l’avons provoquée, qui l’avons commencée, qui avons mis l’Europe contre nous. Tout cela eut produit quelque effet ; et ce n’est pas une de mes moindres peines, que de voir qu’on m’a mis dans l’impossibilité de me procurer au moins ce petit dédommagement, etc. etc. ».


Cette lettre peut servir, avec tant d’autres indices, à faire connoître, que, jusqu’à l’époque du Décret d’accusation contre M. de Lessart, les Puissances Étrangères avoient été constamment entretenues dans leurs intentions pacifiques par les Ministres de Sa Majesté ; cette lettre est d’autant plus digne de foi, qu’elle fut écrite sans aucun but, et dans un temps où la situation actuelle du Roi ne pouvoit être prévue ; cette lettre est d’un prisonnier solitaire à un homme vivant hors de France ; cette lettre enfin fut tracée par un homme qui n’est plus. Quel témoignage ! En exista-t-il jamais un dont le caractère de vérité fût plus irrécusable ? il semble tenir du malheur et de la mort quelque chose de terrible et de sacré.

Qu’oppose-t-on à une pareille démonstration ? une lettre attribuée aux deux frères du Roi, et que je suppose véritable, si elle a été trouvée, comme on l’annonce, dans les porte-feuilles de Sa Majesté. On y remarque un paragraphe dont on veut tirer un grand avantage. « Si l’on nous parle de la part de ces gens-là, nous n’écouterons rien ; mais si c’est de la vôtre, nous écouterons, mais nous irons droit notre chemin. Ainsi, si l’on veut que vous nous fassiez dire quelque chose, ne vous gênez pas. »

On induit de ces paroles, qu’il existoit un assentiment du Monarque aux démarches des Princes ses frères ; mais il est évident, ce me semble, que l’on doit donner à cette lettre une interprétation absolument différente. Les Princes, informés de l’acquiescement ou de la résignation du Roi à la nouvelle Constitution politique de la France, avoient besoin de supposer que cet assentiment étoit l’effet de la crainte ou de la nécessité, afin